Koen Wastijn

This is no coincidence

2 Jul 2023 - 29 Jul 2023

Ce n’est pas un hasard si Koen Wastyn réunit les œuvres de ces trois artistes à la galerie Zwart Huis. Non seulement le fait de vivre à Bruxelles relie les 3 artistes mais surtout parce que leurs œuvres ont pas mal d’affinités entre elles.

Yvonne De Grazia travaille habituellement avec des textiles, mais ne se qualifie pas comme une artiste textile. Le textile est un médium tout comme un autre. De Grazia a une grande affinité avec ce medium par son éducation et par ses souvenirs d’enfance. Ce médium particulier est néanmoins paradoxal. L’artisanat, à savoir le métier répandu du tissage textile (tricot, jacquard) ou autres formes de tissage à la main, s’est graduellement perdu. L’exécution contemporaine du textile est principalement digitale et est donc guidée par ordinateur. Ce processus digital est en quelque sorte inversé dans les œuvres de ‘camouflage’. Un motif de camouflage militaire conçu et dessiné par des algorithmes est manuellement démonté par l’artiste, fil par fil. Au départ, pour former le camouflage, ces systèmes de calculs numériques sélectionnaient des informations à partir de photos d’éléments naturels. Chez de Grazia, l’image déterminée par algorithme est ‘décamouflée’ et ‘décousue’. Les relations de pouvoir sous-jacentes entre l’artiste et le numérique forment ainsi un fil conducteur à travers les différents textiles manipulés.

Le camouflage comme attribut de l’armée, est inévitablement lié au pouvoir - ou à la lutte pour le pouvoir - et qui dit pouvoir dit finances, ce qui nous amène aux oeuvres sur les bitcoins. Une série d’œuvres textiles prend son essor dans les commentaires sur les bitcoins dans des forums en ligne. Ces commentaires n’existent que dans le domaine numérique et sont par définition volatiles. En les incorporant dans des textiles, ils deviennent physiques et se reconnectent à la physicalité de l’être humain.Ils se réapproprient un corps sur l’IA.

Les pièces récentes de Koen Wastyn sont en partie constituées d’affiches publicitaires de voitures des années 70-80, années de son enfance et par conséquent de fascination pour un objet de consommation dans le quotidien particulier et collectif. Les posters de voitures proviennent de la collection d’un représentant en voitures et dealer en pièces mécaniques détachées. En combinant voiture et paysage, ces affiches au départ fournissent à l’artiste le support et l’excuse idéal(e) pour aborder l’évolution et de l’un et de l’autre. L’image originale vantant la voiture comme symbole de prospérité et de liberté disparaît sous les couches de peinture industrielle tandis que plusieurs détails, comme les roues, fenêtres des bâtiments, l’ombre de la voiture ou encore éléments naturels du décor restent lisibles et réagissent dans l’image ajournée.

Les voitures font partie d’un monde double où l’homme est gommé et où la nature reste présente mais réadaptée. Parfois surgit un détail d’une habitation ou de quelque activité humaine dans les champs de couleurs. La voiture, création de l’homme par excellence, est déshumanisée et devenue une entité en soi.Les peintures montrent un monde nettoyé où le temps et l’espace, l’objet et son entourage semblent entrer dans un nouvel ordre.

Dans une autre série d’œuvres basées sur des publicités de magazines comme National Geographic ou Sabena inflight, des années 1960 aux années 1990, la composition de l’image originale est réduite à une icône peinte. L’image est réutilisée et adaptée à une époque où les significations changent non-stop.

Johan Deschuymer présente deux sérigraphies. Sur l’une d’elles, on reconnaît un jeune roi Baudouin avec des lunettes de soleil. Il est en visite au Congo. Sur l’autre sérigraphie, on distingue peut-être la poupe du pétrolier Erika, qui a sombré au large des côtes bretonnes en 1999, provoquant une vaste catastrophe écologique. Les images originales sont manipulées par la machine - en zoomant sur un océan de détails - de telle sorte que ces images elles-mêmes et l’élément narratif disparaissent au profit des pixels. Il s’agit simplement de ‘peindre’ avec des pixels qui se répètent à l’infini... Les images elles-mêmes se désintègrent, tout comme les explications et le sens qui les accompagne.

Pour Deschuymer, les images n’ont aucun besoin d’être reconnues et, en ce sens, elles sont d’une importance secondaire. Il n’a aucune prétention de ‘dévoiler’ ou de charger les images de sens. L’accent est mis sur le côté graphique, le motif. En effet, Johan Deschuymer ne se préoccupe pas de questions. Il laisse les images pixel par pixel se désintègrer et se réorganiser.

Georges Petitjean